acheter à la librairie Compagnie une revue intitulée ligne 13 puis la feuilleter dans le métro forcément ligne 13 à Clichy poser la revue sur une console en attendant que le mal de tête soit passé puis maintenant dans un lit confortable oreillers reprendre la lecture se dire dans le chaos du monde il y a enfin une revue de poésie elle a pris un nom improbable pour toute personne n'habitant pas sur le chemin poussif et enterré de la ligne 13 sauf ceux peu nombreux mais il y en a qui ne prennent que leur voiture avec chauffeur le siège de l'Oréal est à Clichy station Mairie de Clichy et le maire n'en est pas peu naïvement fier de pouvoir tutoyer le pouvoir de l'argent ligne 13 il y a l'extrême pauvreté et l'extrême richesse qui se côtoient mais ne se rencontrent pas ne veulent pas savoir les uns et les autres bien sûr pourraient faire autrement mais le font pas alors merde c'est génial ça une revue de poésie ligne 13 enfin le pouvoir des mots circule de Gennevilliers à Montrouge ne parlons pas de la partie de la fourche qui conduit à Saint-Denis ce n'est pas la vraie ligne 13 une excroissance qui conduit au 9,3 ou se greffe à partir du 9,3 ça dépend du sens dans lequel on l'emprunte ce qui est une façon de parler mais parler commencer à parler même avec mal de crâne remet quelque peu peu mais sûrement le pouvoir de l'argent et le pouvoir du pouvoir à leur place y a qu'à voir sur internet ce qui est un début timide certes mais un début une construction on commence par les fondations je ne sais si l'Oréal est sponsor de ligne 13 j'espère simplement que non de la ligne 13 non ça se verrait dans les résultats la ligne de métro ce n'est que la bétaillère qui conduit les bestiaux à traire de l'Oréal Françoise ou Liliane peu importe victimes de la double peine les salariés / salariées de l'Oréal qui s'enduisent de cosmétique de la firme dégoulinant de cosmétique la ville de Clichy quand il va craquer se craqueler puis se fendre carrément pour laisser la place à la vérité de la poésie qui dit la vérité des choses des corps pantelants compressés soufflants-souffrants suants parfois éructants dans la moiteur d'hiver de la ligne 13 quand dehors il fait froid dedans trop chaud dans les parkas doublées de synthétiques mouillées qui prennent encore un peu d'espace dans cet espace restreint clos le tube de Londres est encore pire plus cru dans sa vérité de bétaillère sur la ligne 13 on fait des aménagements on embellit on restaure on désature on fait des travaux d'aménagement incessants insensés cosmétiques fatalité de la ligne peut-être toujours en travaux en incidents mécaniques personnels et ça c'est parfois la périphrase derrière laquelle on entend suicide sur les rails sous les rails sous une rame et alors on arrête tout les passagers sont bloqués dans les wagons sur les quais s'énervent vitupèrent la retape ça sert de dérivatif c'est mieux que de s'en prendre aux voisins d'infortune au suicidé à la longue cohorte pâle des suicidées / suicidés de la ligne 13 au malheureux rescapés de l'Odyssée souterraine oréale odyssée cela se passe sous terre menacent les dieux mais quel dieu de continuer à pied de quitter cette ligne maudite les politiciens de merde qui nous roulent et les autres ah ceux qui n'y sont pas ne connaissent pas l'exode l'apocalypse quotidienne de la ligne 13 ou finalement on revient toujours la ligne 13 c'est simple tu l'aimes ou tu la quittes comme dirait Nicolas qui a dû la prendre au moins une fois le jour d'une inauguration le passage de la ligne c'est une initiation un rite politique il y a des comités de soutien comités d'usagers mécontents et même tiens ce jour où la neige avait bloqué Paris et sa banlieue sa banlieue c'était au XXIe siècle déjà mais tout était bloqué les voitures les piétons les trains malgré un ministre de l'intérieur qui s'en prenait aux journalistes qui parlaient de pagaille mais les journalistes n'ont rien à dire s'il n'y a pas de pagaille non alors ce ministre c'est bien fait s'est pris une gamelle sur le verglas médiatique bien fait alors ce jour là eh bien les passagers de la ligne 13 étaient tous assis je dis bien tous c'était comme un rêve métropolitain tous assis assises tous lisaient une revue de poésie à l'aise au chaud dehors il faisait froid le ministre pérorait à la télé sur toutes les chaînes et les passagers de la ligne 13 ce jour là assis lisaient une revue de poésie laquelle devinez et ils échappaient à tout ça alors qu'ils étaient pourtant bel et bien malgré tout même assis ce jour là dans le ventre de la bête qui chiait toutes les déjections du monde
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Robert Crémieux / Clichy / samedi 11 décembre 2010
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