Monsieur le président de la République, vos propos sur les chômeurs donnent la nausée. Vous proposez un referendum pour que le peuple français tranche par le suffrage universel cette question : un chômeur peut-il refuser une formation ou un emploi ?
À l’évidence il n’y a pas pour vous de question plus urgente face à la situation sociale que connaît notre pays. Elle revient à accuser les chômeurs d’être responsables de leur chômage. Donc, si l’on comprend bien, d’être responsables du chômage et pourquoi pas des déficits des finances publiques et de la dette. Mais quelle étude ou enquête pouvez-vous sérieusement produire avant d’affirmer que les chômeurs refuseraient emplois ou formations quand on leur en propose ?
Votre déclaration est tellement ridicule à l'heure où il y a cinq millions de chômeurs pour quelques centaines de milliers d’offres d’emplois que l’on pourrait n’y voir qu’une agitation grotesque et désespérée pour attirer l’attention sur autre chose que votre bilan. Quant aux formations, elles sont inadaptées et insuffisantes en volume.
Argumenter en la matière paraît superflu tant l’écart est abyssal entre vos bavardages et vos résultats. De la non-taxation des heures supplémentaires aux mesures favorisant la redistribution fiscale en faveur des grosses fortunes, toute votre politique a favorisé le chômage et la précarité au détriment des revenus du travail. Votre annonce sur ce sujet n’est pas seulement grotesque, elle est indigne. Car vous êtes encore président de la République et c’est à ce titre que vous vous exprimez. Et vous êtes un récidiviste.
Dans un discours à Bordeaux, le 15 novembre 2011, vous aviez déjà déclaré à propos du Revenu de Solidarité Active (RSA) : "Et nous irons plus loin dans la logique des droits et des devoirs. Comme l'a proposé Marc-Philippe Daubresse, d'ici la fin de l'année, nous expérimenterons dans une dizaine de départements une obligation de travail de sept heures pour les bénéficiaires du RSA".
Au cas où cela vous aurait échappé, aucun président en exercice n’avait osé faire référence au travail obligatoire depuis longtemps. Cette notion est d’ailleurs parfaitement anticonstitutionnelle. Notre Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’Homme, sans compter les diverses chartes internationales, proclament le libre choix du travail. Vos déclarations sont bien dignes d’un état "totalitaire".
Savez-vous, Monsieur le Président, que l’on a déjà emprisonné en France dans un passé proches des personnes aux motifs qu’elles étaient "en surnombre dans l’économie nationale" ? Monsieur le président, ce ne sont pas seulement vos propos qui sont indignes, c’est vous qui êtes indigne de vos fonctions. Votre cas relève de l’indignité nationale.
Les chômeurs et, toutes celles et tous ceux que préoccupent le chômage, sont fort heureusement appelés à dire bientôt ce qu’ils pensent de votre bilan calamiteux. Citoyens, citoyennes, un être humain averti en vaut deux. Si vous voulez éviter que s’exaspère la chasse aux chômeurs au lendemain de l’élection présidentielle, dans une logique de guerre sociale, ne vous abstenez pas !
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[ article initialement paru sur Le Plus / Nouvel Obs / vendredi 10 février 2012.
Le titre est de la rédaction du Plus. ]