Les chiffres officiels du chômage annoncés le jour de Noël sont impitoyables. Loin de s'améliorer, la situation continue de s'aggraver malgré les manipulations grossières de la présentation des faits. Cela signifie toujours plus de 4 millions de "demandeurs d'emploi" officiels fin novembre et cela constitue pour le journal lefigaro.fr une "Mauvaise surprise" (lefigaro.fr du 24.12.10).
Pour qui et pourquoi une mauvaise surprise ? Pour qui, certainement pour les lecteurs du Figaro qui ont découvert le 24 décembre sur lefigaro.fr que "Le marché de l'emploi se dégrade à nouveau". Pourquoi, certainement parce que désinformés par leur journal favori ils ont dû avoir du mal à comprendre ce qui se passe sur le front du chômage.
Que l'on en juge par ce florilège établi sur la base des titres relevés sur lefigaro.fr dans le mois précédant la publication des chiffres de novembre.
"Un "engagement total" à lutter contre le chômage"
( lefigaro.fr / 23.11.10 )
"La plus forte baisse depuis février 2008"
( lefigaro.fr / interview de Xavier Bertrand 26.11.10 )
"Le marché de l'emploi s'est amélioré en octobre"
( lefigaro.fr / 26.11.10 )
"Un taux de chômage de 9% en 2011 est réaliste"
( lefigaro.fr / 26.11.10 )
Le taux de chômage stable au troisième trimestre
( lefigaro.fr / 02.12.10 )
Emploi des jeunes : nouveaux outils début 2011
( lefigaro.fr / 06.12. 10 )
Emploi : Bertrand veut des mesures début 2011
( lefigaro.fr / 07.12.10 )
"La France continue à créer des emplois"
( lefigaro.fr / 09.12.10 )
"Emploi : l'UNEDIC prévoit une amélioration en 2011"
( lefigaro.fr / 16.12.10 )
"La reprise de l'emploi se confirme"
( lefigaro.fr / 22.12.10 )
Propaganda
À ce niveau de propaganda, direz-vous, ce n'est plus un florilège, c'est du lyrisme, une salve, un feu d'artifice, une standing ovation, une pâmoison, un orgasme jubilatoire. D'autant que le relevé ci-dessus n'a pas la prétention d'être exhaustif et qu'il s'en tient aux seuls titres. Ainsi, dans l'article relatant les désastreux chiffres de Noël : "Le marché de l'emploi se dégrade à nouveau", le journal rapporte sans broncher l'opinion du ministre du Travail, Xavier Bertrand : "Malgré cette augmentation sur un mois, ce chiffre témoigne de la stabilisation du nombre de demandeurs d'emplois depuis six mois."
L'effet Hortefeux
On pourrait juger que M. Bertrand est aussi mauvais communicateur en ministre du Travail qu'à son ex-poste de patron de l'UMP. Qu'on ne s'y trompe pas : le mensonge délibéré est une stratégie visant ce que l'on pourrait appeler "l'effet Hortefeux".
Premier temps : qu'il s'agisse d'accuser la météo ou de féliciter les policiers félons de Bobigny, le Ministre profère des contre-vérités ou des affirmations péremptoires dans le but de rassurer son électorat et l'électorat potentiel de l'extrême-droite. Plus c'est gros, plus ça retient l'attention des médias.
Dans un deuxième temps, un autre ministre, ou M. Fillon lui-même, corrige le tir par une déclaration plus équilibrée. Bien entendu, dans le brouhaha médiatique une partie du grand public ne retient que la première partie ou, au pire considère que la confusion règne et que la vérité est à mi-chemin.
Dans le cas du chômage, l'objectif en semant la confusion, est d'accréditer l'idée que : 1 / l'emploi existe ; 2 / les chômeurs préfèrent rester au chaud à Pôle emploi. D'autant que le pilonnage n'est pas l'apanage du seul Figaro...
Bien entendu, la méthode a ses limites. En témoigne l'avalanche de commentaires aigres des lecteurs du Figaro en réponse à l'information sur les chiffres de novembre dans les pages du figaro.fr. L'information sur les chiffres du chômage reste un enjeu politique majeur pour le débat politique démocratique. Que chacun prenne ses responsabilités...
Robert Crémieux
(article initialement paru sur le blog de Mediapart : Par où recommencer ?)
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