[ article mardi 4 mai 2004 ]
Robert Crémieux
Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP)
Comment accueillez-vous l'annonce par Jean-Louis Borloo du rétablissement des allocations des chômeurs touchés par la réforme de l'assurance-chômage ?
- Cette nouvelle était très attendue et nous l'accueillons avec satisfaction. Nous avions interpellé directement le gouvernement pour qu'il prenne ses responsabilités.
Nous pensons surtout aux centaines de milliers de personnes qui sont concernées et vont être rétablies dans leur bon droit. Pour elles, cela représente plusieurs mois de revenus et pour tous ceux qui s'étaient soudainement retrouvés sans ressources, c'est énorme.
Mais tous les "chômeurs entrants" vont se voir appliquer le nouveau système, une renégociation n'aurait-elle pas été préférable ?
- Il ne faut pas tout mélanger. Là, il y avait urgence. Des gens s'étaient retrouvés sans ressources, il fallait que cela aille vite.
Evidemment, on peut mieux faire, et il faut mieux faire car les problèmes de fond du financement de l'Unedic, et même du chômage en lui-même, ne sont pas réglés. Le MNCP, avec les autres associations de chômeurs, exige des renégociations pour une refonte globale du système d'assurance chômage. Le ministre a d'ailleurs annoncé quelque chose dans ce sens, il a parlé d'organiser une grande réunion des partenaires sociaux pour étudier l'indemnisation du chômage. Le problème, c'est que nous ne sommes pas entendus.
Pourtant les associations de chômeurs ont toute légitimité à participer aux débats. On aurait pu gagner du temps et de l'énergie plutôt que de ce se retrouver avec le problème des recalculés. On a démontré notre utilité sociale, que cela serve aux politiques ! Des idées, on en a, mais pour l'instant on ne semble pas vouloir nous associer aux discussions.
Justement, quelles sont vos propositions pour régler le problème du financement de l'Unedic ?
- Il faut déjà souligner que le déficit actuel a été creusé par la présentation systématique de budgets truqués, insincères, qui ne tenaient pas compte de la réalité. Le dernier en date tablait sur une baisse du chômage, mais c'est un vœu pieux !
Il faut également prendre en compte la précarité salariale, autant responsable du trou de l'Unedic que le chômage. Toute une partie du salariat est touché par ce système de précarité instauré par les patrons et financé par les travailleurs à travers l'indemnisation chômage.
Et puis arrêtons de faire croire que tous ceux qui ne travaillent pas vivent sur le dos des autres. D'abord il y a quantité de personne qui n'ont le droit à aucune aide et puis, même pour ceux qui touchent les minima sociaux, on ne vit pas avec ça ! Et tout le problème est également là.
Comment peut-on correctement chercher du travail quand on se demande se qu'on va donner à ses enfants à dîner le soir, ou bien qu'il faut se rendre trois fois par semaine aux Resto du Cœur pour trouver à manger ? L'indemnisation n'est pas une frein à la recherche d'emploi, elle est une aide. Quand on a un peu de marge, on peut s'investir dans la recherche, planifier… mais quand on est au bord de l'expulsion, qu'on a plus de lien social parce qu'on ne peut financer ni des loisirs ni même sa santé, qu'on est submergé par les problèmes bancaires, ce n'est pas possible.
Concrètement, les cotisations doivent être augmentées et leur assiette élargie aux profits des entreprises. Les grandes entreprises qui recourent abusivement aux contrats précaires doivent être mises à contribution.
La sphère boursière doit être également utilisée. Des taxations boursières pourraient être instaurées au profit d'un fonds. L'emploi va mal et la bourse n'y est pas pour rien, et même s'en porte bien. Alors, mettons-la à contribution.
Propos recueillis par Laure Gnagbé
Nouvel Observateur
mardi 4 mai 2004
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