Sous le titre « Chômage, des chiffres et des
hommes », l’APEIS vient d’éditer une brochure d’une trentaine de pages
qui prend le parti de dire à la fois le vécu des chômeurs, chômeuses et
précaires, mais aussi de le replacer dans le contexte économique et social de
la société dans laquelle nous vivons. « …notre
but est avant tout d’attirer l’attention et de réussir à mobiliser le plus
largement possible, car cette histoire concerne chacun et chacune ».
« Attirer l’attention » pourrait paraître une évidence, mais il faut prendre la mesure des dégâts produits par une décennie de déchaînement de propagande anti-chômeur. « Fraudeurs », « cancer de la société » : des ministres, des responsables politiques (irresponsables ?) et des médias à leur suite ont repris en boucle des propos infâmes concernant les privés d’emploi. Coupables de leur propre misère. Faut les « accompagner vers l’emploi » ces fainéants. Faut instaurer la dégressivité des allocations chômages (le thème revient fort du côté du Medef) pour les « inciter » à chercher du boulot. Mais la dégressivité existe déjà puisque à peine un inscrit sur trois à Pôle emploi est indemnisé puis il y a la fin des droits, l’ASS, le RSA et dans certains cas, rien. Ce que souligne le document en décrivant la spirale dans laquelle tombe le chômeur : « Très vite les revenus baissent, on commence par griller ce qu’on a de côté (quand c’est le cas)… »
Après un premier chapitre qui donne des repères généraux, le deuxième chapitre passe en revue l’Unedic, Pôle emploi. Puis le constat est dressé du lien entre pauvreté croissante et accumulation des patrimoines les plus élevés. L’actualité récente avec l’étalage de la fortune des uns et les comptes que la grande majorité peut faire des difficultés journalières démontre une fois de plus que la crise n’est pas pour tout le monde. Le pire est que les richesses produites et accumulées par certains n’ont pas d’emploi utile alors qu’il y a tant de besoins : « Il est plus qu’urgent de redéfinir l’utilité de ces richesses phénoménales, de cet argent qui ne sert à rien, qu’à une poignée d’énergumènes qui ne voient pas l’humanité plus loin que le bout de leurs lingots d’or ! ». Récemment, à la télé, dans un reportage sur la ville du ministre fraudeur, Cahuzac, un passant disait à propos du compte à Singapour « Cet argent, il aurait pu servir à des projets à Villeneuve ».
Le cinquième et dernier chapitre analyse la tendance grandissante à placer les chômeurs et précaires sous contrôle, y compris policier. « Criminaliser pauvreté et précarité » a été la ligne publique du gouvernement Sarkozy, quand les ministres n’avaient de cesse de montrer du doigt les « chômeurs fraudeurs » et autres « profiteurs » du RSA. Cette mise sous contrôle va jusqu’à la prison, c’est-à-dire que le système répressif judiciaire et policier vise à protéger certains intérêts financier avant tout. Et remplit les prisons avec de la main-d’œuvre à bon marché :
« Les travailleurs détenus ne sont pas protégés. Ils n’ont aucun droit. L’article 717-3 du code de procédure pénale souligne expressément que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail » dans l’enceinte d’une prison ».
On ne peut être que frappé par la similitude qui existe avec Pôle emploi. Les inscrits dépendent de règlements en marge du code du travail et en cas de litige, Pôle emploi rend sa propre justice, comme on le voit notamment dans la question des indus.
Encore une fois, l’actualité récente illustre cette façon de traiter différemment selon que vous serez puissant ou misérable. Le ministre fraudeur Cahuzac a pu s’exprimer longuement au cours d’une émission télé complaisante retransmise par toutes les chaînes. Mais on n’a rien vu et entendu sur ce militant CGT d’Alès, Sébastien Migliore, lourdement condamné pour l’exemple pour avoir soit-disant lancé un œuf sur un policier. On pense aussi à la répression qui s’abat sur les militants syndicaux qui refusent un prélèvement ADN.
Le document est illustré de citations de chômeurs et chômeuses. Certaines ont de l’humour, d’autres plus grave et renvoient à la souffrance sociale. L’une d’elle dit par exemple : « J’ai beaucoup de choses à dire, mais à qui ? Puisqu’il n’y a personne pour écouter. » On sait bien à l’APEIS, au MNCP, que les associations du mouvement des chômeurs est là pour ça. Notamment.
Robert Crémieux
* APEIS
[email protected]
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