Dans un entretien publié récemment par le journal Le Monde, M. Berger, secrétaire général de la CFDT déclarait : « Il faut s’adapter à une crise économique et sociale dure. Si on ne veut pas tomber dans l’austérité qui, contrairement à ce que disent certains, n’est pas en œuvre, il faut construire des solutions à partir de ce que les gens vivent concrètement. »
Chaque membre de phrase mériterait un commentaire. Arrêtons-nous à la question de l’austérité, qui selon M. Berger, « n’est pas en œuvre ». Je sais bien que cette opinion a la caution du Medef, de MM. Valls et Macron, mais tout de même je m’étonne. Si M. Berger entend par là que l’austérité ne touche pas tout le monde, il a entièrement raison. Les patrons du CAC 40, les actionnaires et les fraudeurs à la Cahuzac n’en sont pas victimes. Mais il s’agit d’une infime minorité.
Interrogez les salariés, les paysans, les retraités, les associatifs, les chômeurs et les précaires, ils répondront dans leur grande majorité : « La crise économique est là et les politiques d’austérité qui vont avec ». Les économistes qui ne sont pas aux ordres du Medef, les syndicalistes non encartés au PS, les porte-parole politiques de gauche et même des journalistes confirmeront la réalité des politiques d’austérité menées par ce gouvernement. Ils ajouteront que l’austérité n’est pas la bonne réponse à la crise et que d’autres politiques sont possibles.
Les chômeurs en première ligne
Pour en revenir à la citation de M. Berger - à « ce que les gens vivent concrètement » -, s’il y en a des « gens » qui vivent au quotidien les effets des politiques d’austérité, ce sont en première ligne les chômeurs, chômeuses et précaires. La privation d’emploi est la conséquence directe du choix de la réduction du déficit, de la recherche de la maximisation du profit sous couvert de « compétitivité des entreprises». La privation d’emploi est la peine maximum que peuvent encourir « les gens » chers à M. Berger dans le cadre des politiques austéritaires. C’est brutal, c’est une atteinte aux Droits de l’homme et tous les pays capitalistes, passés et présents, ont recours à cette méthode pour restaurer les marges des dividendes. Au prix du chômage, variable d’ajustement universelle.
Depuis quarante ans, le choix du chômage de masse est un choix délibéré des responsables politiques qui, sous des noms divers, ont tous mis en œuvre des politiques d’austérité. Il est abusif et dérisoire de parler dans ces conditions d’échec des politiques de lutte contre le chômage. Depuis le fameux théorème du chancelier Helmut Schmidt, en 1974, « Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain », le cap n’a pas changé. La « politique de l’offre » chère aux banquiers n’est rien d’autre que l’habillage nouveau de cette recherche de la satisfaction des actionnaires. « Après-demain », nous y sommes et les emplois ne sont pas là.
Alternatives
De ce point de vue, le roi est nu et les gouvernants français et européens ne s’efforcent presque plus de donner le change en mettant en place de bouffonesques « politiques de lutte contre le chômage ». D’ailleurs, remarquez bien, la notion même ne fait plus partie des éléments de langage tant elle est démonétisée. Le choix de l’austérité est le choix du chômage et les « politiques de lutte » des leurres désormais transparents.
D’autres choix politiques sont possibles et nécessaires. C’est ce qu’entend dire le mouvement des chômeurs (MNCP, APEIS, AC!, CGT chômeurs) qui appelle le samedi 6 décembre prochain à une manifestation, à Paris*. Car le chômage ne pose pas que des problèmes d’urgence sociale (angoissante), de revendications face à l’ubuesque Pôle emploi (machine infernale), mais aussi clairement celui des orientations politiques.
De ce point de vue, le mouvement des chômeurs, malheureusement trop peu entendu à gauche, trace la voie depuis longtemps pour des alternatives concrètes et politiques. Oui, la réduction du temps de travail est une piste qu’il faut reprendre. Oui, il n’y a pas d’autre voie que de soutenir l’économie solidaire : avec les 40 milliards de cadeau au Medef, nous aurions fait bien plus que le million d’emplois promis par Gattaz ! Oui, la transition écologique est l’urgence économique alternative à l’imbécile « croissance » à la sauce multinationale. Pour que ces pistes entrent dans le débat public, soutenez la manifestation du 6 décembre !
Robert Crémieux
Ancien président du MNCP
@cremieuxrag
* Avec le soutien de syndicats, associations et partis politiques : 14 h, place Stalingrad, Métro Jaurès.
- Téléchargement 141123_artRC_Austèrité_mère_CHOMAGE
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Une version de ce texte est parue dans l'hebdo Politis du 4 décembre 2014
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