Faites entendre votre voix !
Les jeunes doivent prendre toute leur place dans le débat politique en se réappropriant l’espace public
Question : Si on ne devait poser qu’une seule question, quel sujet souhaiteriez-vous aborder ?
Aïssa Terchi : En tout premier lieu dire aux jeunes : faites entendre votre voix. C’est vrai que nombreux sont les obstacles dans notre société, les discriminations, les inégalités sociales et les injustices n’ont jamais été aussi frappantes. Ces inégalités sociales et territoriales sont nées d’un système qu’il faut combattre, celui où la classe dominante continue de s’enrichir et les classes populaires s’appauvrissent. La grande majorité des municipalités ont une vision paternaliste, alors qu’il est question de projet de société dans son ensemble… on ne peut pas mener une politique de la jeunesse sans avoir une vision progressiste de la société. Dans certaines villes gérées par des réactionnaires, la jeunesse est un obstacle, les rares moyens accordés sont ceux de la répression vis-à-vis de jeunes.
Q. : Mais n’est-ce pas une raison supplémentaire de prendre la parole ?
AT : À Clichy, 23% de la population a moins de 25 ans. La jeunesse représente une force si elle saisit les occasions de se manifester. Les élections municipales sont une bonne occasion de s’engager, car elles touchent au quotidien et mettent en perspectives les enjeux de demain, mais pour autant il ne faut pas qu’elle soit le seul moment où les jeunes puissent prendre leur place dans le débat démocratique.
Prenez toute votre place dans l’engagement associatif, syndical, politique. Respecter vos anciens, c’est continuer à transmettre la mémoire, mais se faire respecter aussi c’est faire entendre sa voix. Ce n’est pas contradictoire, au contraire. Agissons ensemble.
Q. : Votre parcours…
AT : Je ne présente pas mon parcours comme un modèle à suivre mais oui, je crois que j’ai compris assez jeune qu’il fallait s’engager pour faire bouger les choses et que la politique n’était pas réservée qu’aux autres, qu’à une certaine élite sortie des grandes écoles, celle qui dominera finalement le système.
Les discriminations, les inégalités, j’y ai été confronté. Je suis un héritier de l’immigration d’Algérie. Mon père était ouvrier chez Citroën, ma mère aide-ménagère, je me suis très vite engagé en politique pour promouvoir notamment la citoyenneté des jeunes des quartiers populaires.
Promouvoir la citoyenneté, c’est faire prendre conscience du système de classes sociales qui régit la société capitaliste. C’est aussi se réapproprier l’espace public, s’engager, militer et s’éduquer pour s’émanciper socialement.
J’ai été candidat à 21 ans, maire adjoint à 28 ans. Je n’ai pas l’intention d’être élu à la mairie pendant trente ans ! Je ne conçois pas l’engagement politique comme une carrière professionnelle, mais comme un engagement au service des autres, je ne recherche ni place ni strapontin.
J’ai envie de dire à la jeunesse : à votre tour vous devez vous engager, et prendre toute votre place dans le débat politique et citoyen, venez voir concrètement comment ça se passe, passez la porte pas seulement pour devenir adhérent ou être porteur de tracts mais pour conquérir des responsabilités, comme apporteurs de projet, pour amener des idées nouvelles et se battre pour les concrétiser.
Q : Que peut faire la ville ?
AT : Qu’est-ce qu’on met aujourd’hui à leur disposition pour qu’ils concrétisent leurs aspirations ? Quel soutien reçoivent-ils au moment de leur vie où se jouent leurs projets d’émancipation ?
Au niveau des équipements, la ville doit être à la hauteur. Les jeunes ne sont pas voués à n’avoir comme rêve que d’être joueur de football professionnel ou milliardaire. C’est une caricature de la jeunesse. À Clichy elle est diverse et c’est ce qui fait la richesse de notre ville. Nous devons tout faire pour l’émanciper, la conscientiser aux enjeux de demain.
Je crois beaucoup à l’éducation populaire, pour tous les âges. La soif de connaissance est partagée et doit trouver des réponses tout au long de la vie et aussi en dehors du système public d’éducation qui ne peut avoir réponse à tout.
L’émancipation passe par l’éducation et c’est bien à l’école que nous nous confrontons déjà aux inégalités ! Plus de moyens pour l’école publique, c’est déjà anticiper la réduction des inégalités !
Avec Sarkozy, il y a eu une forte stigmatisation des jeunes : « racailles », « nettoyer au karcher », etc. Tous se sont sentis visés dans les quartiers. Avec le gouvernement Valls, rien n’a guère changé, les jeunes de nos quartiers sont toujours stigmatisés, montrés du doigt, les contrôles au faciès s’intensifient !
En dehors des équipements nécessaires, il faut aussi redonner confiance en la politique. Tous les élus ne pensent pas comme Sarkozy ou Valls ! Il y a des clivages forts et je m’élève avec force contre l’idée du « tous pourris » qui ne profite qu’au Front national.
Aidez-nous à porter ensemble un nouvel espoir dans notre ville qui a été condamnée à une sorte d’immobilisme et à la flatterie démagogique des jeunes, sans volonté de vouloir les rendre autonomes. Je ne mène pas campagne en faisant des promesses, je ne cherche pas à « acheter la paix sociale » mais issu du même milieu social, habitant les mêmes quartiers populaires, nous savons où il faut mettre les moyens pour faire de la jeunesse une exigence dans nos priorités.
Je vous dis plus simplement : venez avec nous et vous verrez, c’est possible, de faire autrement et avec vous !
**
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.