La hausse brutale du nombre des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi a encore été confirmée par les chiffres de décembre 2011, en hausse de 25 900 (catégories A, B, C), et en augmentation de 5,6 % sur l'année 2011. Avec 4 537 800 inscrits, on est en route vers les cinq millions de chômeurs et précaires. L'année 2011 aura ainsi été une nouvelle année de tristes records. La responsabilité en incombe non à la crise (c'est trop facile) mais aux politiques menées par le gouvernement sarkozyste.
M. Sarkozy, Président de la République, Mme Parisot, Présidente du MEDEF, le gouvernement Fillon, les responsables des partis politiques de droite et d'une partie de la gauche, les « experts » économistes et les ténors des médias, sont tous d'accord : il faut faire-baisser-le-coût-du-travail. De nombreux leviers de politique économique sont à leur disposition pour cela : baisse des cotisations sociales des entreprises, exonérations des taxes sur les heures supplémentaires, TVA sociale, précarisation de l'emploi public, stagnation des salaires et des prestations sociales.
Cela s'appelle aussi une politique d'austérité, mot que les uns et les autres se refusent à prononcer. Il est plus chic de parler, en termes technico-économiques, se référant à une pseudo « science économique », de baisse du coût du travail. Cela veut dire, quel que soit l'emballage, une baisse des revenus issus du travail, salaire directs comme prestations sociales. Cela veut dire, à l'inverse, quels que soient les mots choisis, la hausse des revenus tirés des profits financiers.
Le chômage n'est pas dans ce contexte une résultante de la crise. Le chômage ne signe pas l'échec des politiques économiques menées – inefficaces, insuffisantes ou inappropriées – il est le produit d'une politique délibérée de baisse de l'emploi salarié visant à faire « baisser le coût du travail ». Un chômage élevé est nécessaire pour justifier les politiques d'austérité, comme levier visant à faire accepter par les salariés et l'ensemble des travailleurs des « sacrifices » sur leurs revenus pour résoudre les multiples avatars de la crise : la dette publique, la compétitivité des entreprises, la crise du crédit financier nourrie par les agences de notations et les pratiques frauduleuses des banques.
Derrière les mots de « priorité à l'emploi » ou de « lutte contre le chômage », ou de « mobilisation nationale » contre la crise, qui ne sont que des écrans de fumée, il y a une volonté politique et une seule. La seule à s'inscrire réellement dans les résultats statistiques : les dividendes distribuées aux actionnaires augmentent ; les salaires et autres revenus du travail baissent.
D'autant que la redistribution fiscale, l'impôt, n'est plus qu'un outil supplémentaire pour entamer un peu plus les revenus du travail en privilégiant les grosses fortunes. Ce sont elles qui sont les bénéficiaires de la redistribution fiscale et non les couches les plus pauvres ou les classes moyennes. Le constat est devenu banal, encore faut-il en tirer les conséquences en termes de politiques de l'emploi, de politiques économiques et de politique tout court.
Il est temps que le mouvement social arrête de parler « d'échec » des politiques gouvernementales de lutte contre le chômage et appelle un chat un chat. Autrement dit, prenne en compte cette dimension de la question du chômage : celui-ci est le produit d'une politique délibérée qui choisit le chômage pour faire pression à la baisse sur les revenus du travail afin de maximiser les profits et dividendes payés aux actionnaires.
Robert Crémieux
Ancien président du MNCP ; membre du comité de rédaction de la revue Partage.
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