[ article publié sur le blog de Mediapart jeudi 20 janvier 2011 ]
M. Pierre Méhaignerie, dans une interview au Figaro, appelle les partenaires sociaux à réduire les indemnités des chômeurs. D'une part en réintroduisant la dégressivité des indemnisations, d'autre part en les plafonnant en deçà du maximum actuel.
La proposition n'est pas anecdotique car elle émane du président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Trop c'est trop, s'indigne-t-il un peu facilement. Il pourrait s'indigner du fait, par exemple, que la grande masse des chômeurs perçoit des revenus en deçà du seuil de pauvreté et du SMIC.
Sa proposition, qui intervient au moment où les partenaires sociaux vont se rencontrer, lundi 24 janvier, pour renégocier la convention d'assurance chômage, vise à détourner l'attention des vrais problèmes que rencontrent les chômeurs et précaires.
Quant à ses propositions, elles témoignent d'une méconnaissance du dossier navrante pour un personnage occupant de hautes fonctions. Rappelons que la dégressivité des allocations existait avant 2006 et le système a été abandonné parce que les résultats démontraient son inefficacité au regard de son soit-disant objectif : "inciter" les chômeurs à retourner à l'emploi.
Quant à vouloir baisser le plafond, ce n'est qu'une manœuvre pour trouver des boucs émissaires. Que le plafond soit fixé actuellement à 5 800 € peut paraître élevé mais rappelons que le système français est un système assuranciel obligatoire et que ceux qui touchent de telles sommes ont cotisé en conséquence. En admettant même que ce plafond soit revu, ce n'est pas avec ces "économies" que l'on permettra de résoudre les problèmes des sans-emploi et de leur revenu.
Car la majorité des chômeurs touche des sommes inférieures au SMIC, et parfois à peine équivalente au RSA, moins de 500 € par mois. Que l'on puisse vivre avec 500, 700 ou 900 € par mois n'indigne apparemment pas M. Méhaignerie qui a l'indignation sélective (il a dû lire un peu vite le texte de Stéphane Hessel).
Rendez-vous lundi 24 janvier
Les négociations pour le renouvellement de la convention d’assurance chômage doivent débuter lundi 24 janvier au siège du Medef. Il semblerait, d'après les contacts des syndicats représentés à l'UNEDIC, que la renégociation se bornerait à reconduire les conditions actuelles de prestations (pour les salariés) et d'indemnisation (pour les chômeurs). On serait tenté de dire que c'est presque un soulagement quand on pense que dans le contexte actuel la tendance est plutôt à l'austérité... pour les plus pauvres, cela s'entend.
Il ne faut toutefois pas oublier que les conditions actuelles de l'indemnisation pénalisent déjà lourdement les chômeurs et surtout les précaires. Rappelons que la convention actuellement en vigueur n'a été signée que par un seul syndicat, la CFDT. La CGT, FO, la CFTC et la CGC n'avaient pas signé ce texte que dénonçaient les associations de chômeurs. L'agenda des chômeurs et précaires n'est d'ailleurs pas le même que celui des syndicats de l'UNEDIC. Leurs associations réclament notamment d'être entendues à l'occasion de ces renégociations puisque, à l'exception notable de la CGT, les chômeurs ne sont pas représentés dans ces négociations et leurs associations bannies du débat public.
Ne faut-il pas notamment discuter d'un plan d'urgence dans la situation dramatique de l'emploi actuel, caractérisée notamment par l'explosion du chômage des jeunes, de la durée du chômage et de l'inflation des "fins de droit" non indemnisés. Un tel plan concerne bien sûr l'ensemble des pouvoirs publics mais l'UNEDIC devrait avoir sa part en favorisant les mesures permettant un retour à l'emploi plus rapide : une bonne indemnisation pour une durée suffisante puisque la perspective d'un retour rapide à l'emploi est plus problématique. Même l’OCDE a souligné qu’il fallait dans cette période de crise plutôt allonger la durée d’indemnisation que la réduire.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres, encore faut-il accepter d'entendre ce que les représentants des chômeurs et précaires ont à proposer. C'est pourquoi une pétition vient d'être mise en ligne par le MNCP sous le titre : "Négociations UNEDIC : pas sans les chômeurs !"
Pour l'heure le black-out est total du côté des médias sur cette initiative. Il n'y a pas qu'en Tunisie et Hongrie que la presse est muselée par les puissances d'argent. Seul un buzz d'enfer pourra percer ce mur du silence. Signez et relayez la pétition : sur le site mesOpinons.com.
Robert Crémieux
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