Le suicide par le feu, à la CAF de Mantes-la-Jolie, soulève bien des questions (voir notre début de dossier, en date du mardi 8 août 2012). Dont celle de son traitement institutionnel et médiatique. La minimisation systématique de l'information a été remarquable.
Premier temps : il s'agit d'un acte isolé, de la part d'une personne instable psychologiquement et rien ne peut expliquer son geste.
Deuxième temps : "l'individu", dont le nom ne sera à aucun moment prononcé, n'a semble-t-il "pas mis ses jours en danger". Il décèdera "pendant le week-end" mais cette dernière info sera très peu relayée dans les "grands" médias.
Faut-il invoquer la léthargie traditionnelle du mois d'août ? Bien entendu que non. Chacun sait bien qu'une telle affaire a une charge émotionnelle et sociale explosive. L'acte du désespéré de Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, l'un des événements déclencheur du printemps arabe en Tunisie, est dans tous les esprits. Sachant que l'homme de Mantes-la-Jolie est tunisien (ou d'origine tunisienne, puisqu'on ne connaît pas totalement son identité), on comprend que la cellule de crise mise en place par l'administration à tous les niveaux a souhaité maîtriser l'information.
Mission accomplie ?
Mission accomplie. Mais pas tout à fait, pour au moins deux raisons.
Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirme Daniel Schneidermann, dans son article de Libération, "L'immolé oublié du mois d'août", il existe des "syndicats de chômeurs" et d'allocataires du RSA. Par exemple le MNCP qui est présent non seulement face à Pôle emploi mais aussi à la CAF, en particulier depuis que le RSA, cette machine de guerre contre le contrat de travail a été institué par Sarkozy. En témoigne les réactions publiés sur le site web mais aussi sa présence sur le terrain et la rencontre d'une délégation du MNCP avec la directrice de la CAF des Yvelines et trois représentants du personnel (CGT, CFDT, FO) lors de l'hommage rendu le jeudi 16 août, à l'initiative du MNCP. Ajoutons que plusieurs chapitres du Rapport 2011 sur la situation des chômeurs alertaient sur ces questions et notamment sur celles des ressources des chômeurs et de la question du suicide comme conséquences et révélateur de l'aggravation du manque d'emploi.
Sans l'action des associations de chômeurs, les allocataires de la CAF seraient des invisibles.
Deuxièmement, il existe désormais une alternative à la censure des médias dominants, grâce à Internet. Les "grands" médias ont fait le service minimum sur la CAF des Yvelines ? Le Net a pris le relais.
Cela a été manifeste dès le début, où les premières réactions sur le contexte sont venus de Mediapart. D'abord sur le blog de Pierre Juillot puis par l'article de Simon Castel, Le chômage et la précarité tuent, ont relevé le défi de l'information et de son éclairage.
Le Net a pris la relève
Sur ActuChômage, Véronique Valentino a réalisé une remarquable enquête. Celle-ci fait le récit de l'événement et en éclaire le contexte :
Quand un allocataire du RSA s’immole dans une CAF
(samedi 18 août 2012)
De son côté, le site Arrêt sur image, a tenté de décrypter le contexte médiatique. L'enquête de Sébastien Rochat, montre en particulier comment la volonté d'isoler l'acte de son contexte occulte par exemple l'alerte et les réactions des associations de chômeurs.
UN FAIT-DIVERS EN AOÛT : UN ALLOCATAIRE DU RSA S'IMMOLE PAR LE FEU
Nous avons tenté (difficilement) de comprendre pourquoi(16/08/2012)
* Le site étant payant, nous nous sommes permis de reproduire le texte en
.pdf ci-dessous :Téléchargement 1208_art_CAF_ArretsurImages
On ne peut que s'étonner que Daniel Schneidermann n'ait pas pris connaissance de cet excellent papier avant d'écrire son article dans Libération. Parce qu'au bout du compte, ignorer l'existence des syndicats de chômeurs, c'est d'une certaine façon la manière la plus sûre de les condamner deux fois à "l'oubli".
Un moyen de combattre la censure
Bien entendu, un article n'est pas une thèse et on ne fait jamais le tour complet de la question dans ce type d'exercice. Mais au moins, il y a des articles qui démontrent qu'il est possible de traiter l'événement en lui donnant sa juste dimension.
Les articles cités ont été relayés, malgré le creux du mois d'août, sur les divers réseaux sociaux, comme l'ont été d'ailleurs les interventions du MNCP sur son site web, le dossier de Solidarités Chômages et toutes les interventions indépendantes qui se sont multipliées.
Conclusion à l'attentin des lecteurs de ces lignes : si vous n'êtes pas satisfaits du traitement médiatique du chômage, relayez nos articles, soutenez-nous en faisant connaître les sites qui donnent l'info et son éclairage.
Le dossier n'est pas refermé
Il n'est pas question d'en rester là. Le dossier n'est pas refermé. La vie d'êtres humains est mise en péril par les politiques qui ne prennent pas en compte la souffrance sociale et restent inactives devant l'urgence sociale.
Si la situation actuelle ne peut être mises au débit du nouveau gouvernement, plus les jours passent et plus il devient évident que l'immobilisme dans ce domaine lui tient lieu de politique.
Il nous reste à rendre un nom et un visage à l'homme qui un jour d'août 2012 a mis fin à ses jours. Il reste à répondre aux questions urgentes du RSA, de l'indemnisation du chômage en général. Dans l'immédiat il reste à mettre fin à la surdité des pouvoirs publics et de certains organismes dont la mission a été mise à mal par les politiques menées pendant dix ans sous prétexte de chasse à la fraude et d'économie des crédits publics. On continue comme avant ou non ?
Robert Crémieux
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