L'audition de M. Charpy, DG de Pôle emploi, au Sénat s'est transformée en Bérézina. Mardi 1er mars 2011, les sénateurs avait convoqué le patron de l'institution devant une "Mission d'information". Le bilan de Pôle emploi s'est fait étriller par les sénateurs, toutes tendances confondues. Quant à M. Charpy, il n'a pu que laisser transparaître une partie de la catastrophe dénoncée par les salariées de Pôle emploi et les associations de chômeurs.
La litanie des questions embarrassantes et des demi-réponses tient en une quinzaine de pages. On pourra en lire le compte-rendu dans le document ci-dessous. Mais il n'est pas inutile de pointer quelques vérités mises à jour sur la façon dont sont traités agents et "clients" (c'est M. Charpy qui insiste sur le terme) de Pôle emploi.
La fusion ANPE - ASSEDIC ? Deux ans après "elle n'est pas totalement terminée" répond le DG chargé de mettre en œuvre le fantasme fusionnel de M. Sarkozy. La faute à la crise ! Mais il faut dire aussi que "la perspective d'un taux de chômage à 5% semblait réaliste". Réaliste peut-être dans les promesses ultra-libérales de la campagne de M. Sarkozy mais pas dans les chiffres sérieux.
L'accompagnement renforcé des chômeurs ? "...un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis, en moyenne, par chaque conseiller" avait été annoncé à grand renfort de propagande. M. Charpy reconnaît "cent ou cent dix, avec de forts écarts régionaux ou infra régionaux". Demandez aux agents le vrai chiffre... on est très loin de l'objectif. Surtout ce chiffre est une deuxième fois mensonger car avec la précarisation du travail, la rotation des dossiers à suivre s'accélère et le flux de dossiers à traiter est bien plus important que le stock annoncé.
La sous-traitance au privé devait remédier au problème. Outre que cela ne règle rien, malgré les 200 000 dossiers "sous-traités" au lieu des 80 000 annoncés, il faut bien concéder que "cette sous-traitance est coûteuse", dixit M. Charpy. Mais, plaide-t-il, ce n'est pas mauvais car cela introduit "une sorte de concurrence". Bref, on paie cher à démanteler le servie public mais c'est pour mieux démontrer que le service public fait mieux pour moins cher.
Non seulement la lutte contre la précarité du travail n'est pas le fort de Pôle emploi, mais l'établissement public d’État est lui-même grand pourvoyeur de précarité. "Nous comptons entre 8% et 9% de CDD" affirme M. Charpy. "La convention collective plafonne ce chiffre à 5%" mais ajoute-t-il sans rire : "D'ailleurs, le problème sera réglé cette année puisque 1 500 CDD seront supprimés". C'est-à-dire licenciés. On croît rêver.
Plusieurs sénateurs, ne se sont pas contentés de poser des questions embarrassantes mais ont également dénoncé cette "vision idyllique" du dossier. En particulier, Jean Desessard (EELV), Ronan Kerdraon (PS) ou Annie David (CRC) ont pointé les failles d'un discours ressemblant à la chanson "Tout va très bien Madame la Marquise..." En attendant, la Commission sénatoriale continue ses travaux et il ne semble pas prévu à ce jour d'auditionner les représentants des chômeurs. Rappelons que les trois associations de chômeurs et précaires, MNCP, APEIS, AC !, sont officiellement représentées auprès de Pôle emploi. Est-ce trop demander que de prévoir un petit rendez-vous ? La vision des usagers des problèmes qu'ils rencontrent serait-elle superflue ? Leurs propositions tenues pour négligeables ? La question a été posée aux sénateurs par le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP) lors de son rassemblement aux grilles du Sénat le 9 mars dernier. Les intéressés attendent la réponse.
Robert Crémieux
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