Commission des Affaires Sociales du Sénat
Séance du 21 novembre 2012
Audition de Michel Sapin sur le PLF 2013
Loi de finances pour 2013 - Audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
- présidence de Mme Annie David, présidente, puis de M. Jacky Le Menn, vice-président -
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi de finances pour 2013.
M.
Michel Sapin, ministre
du
travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue
social :
-
Le contexte dans lequel nous avons élaboré ce budget vous est
connu. D'une part, après dix-sept mois consécutifs de hausse du
chômage, le nombre de demandeurs d'emploi dépasse les trois
millions, et certaines catégories (jeunes, chômeurs âgés,
chômeurs de longue durée) posent des problèmes difficiles à
résoudre. D'autre part, la contrainte des finances publiques a
conduit le Gouvernement à vouloir maîtriser le déficit budgétaire
afin de faire décroître notre endettement. Nous avons donc choisi
de nous battre activement sur le front du chômage, tout en faisant
preuve de responsabilité sur le plan budgétaire.
Les crédits budgétaires consacrés au travail, à l'emploi, à la formation professionnelle et au dialogue social augmentent de 4 % : c'est considérable, mais ce n'est pas à cela que nous jugeons de la qualité du budget. D'ailleurs, toutes les actions que nous conduirons en 2013 ne sont pas inscrites dans ce budget. Le contrat de génération, après une négociation réussie entre les partenaires sociaux, sera adopté en conseil des ministres le 12 décembre et débattu au Parlement en janvier, nous ne pouvions donc pas encore en prévoir les conséquences dans le projet de loi de finances. De même, la grande négociation sur la sécurisation de l'emploi, complexe mais si importante pour l'avenir de notre pays, pourrait avoir des conséquences sur le budget : meilleure mobilisation du chômage partiel ou des capacités de formation avant licenciement.
Ce budget finance d'abord l'urgence : les contrats aidés et les emplois d'avenir. Il y aura 1,479 milliard d'euros en crédits de paiement pour créer 340 000 contrats aidés dans le secteur non marchand, et 50 000 dans le secteur marchand, comme l'année passée. Mais nous étalerons ces créations tout au long de l'année, et nous allongerons la durée de ces contrats, qui n'a cessé de décroître à mesure que le nombre de bénéficiaires augmentait : j'ai donné des instructions très fermes aux préfets de région à cet égard. Les emplois d'avenir ne sont pas financés par une diminution des crédits consacrés aux emplois aidés. Nous commençons à les mettre en oeuvre, et l'émotion qui se dégage des réunions organisées à cette occasion confirme, s'il en était besoin, que nous avons visé juste. D'ailleurs, des élus de tout bord nous rejoignent sur ce dispositif, même s'ils s'y étaient opposés au plan national. Les autorisations d'engagements s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros, et les crédits de paiement sont calculés en retenant l'hypothèse d'une montée en puissance progressive au cours de l'année - mais si elle devait être plus rapide que prévu, nous ferons les choix nécessaires pour que rien ne l'entrave.
Ce budget finance la consolidation du service public de l'emploi, particulièrement en renforçant les moyens de Pôle emploi. Dès le mois de juin dernier, dans l'urgence, j'avais décidé de renforcer ces moyens par l'embauche en CDI de 2 000 agents supplémentaires. Leur recrutement est progressif, et 2 000 autres viendront les renforcer grâce à des redéploiements internes, de sorte que ce sont 4 000 agents supplémentaires qui accompagneront les demandeurs d'emploi. Nous augmentons donc en conséquence la subvention à Pôle emploi pour qu'il puisse financer ces postes supplémentaires. Les missions locales, autre pilier du service public de l'emploi, voient également leurs crédits maintenus, et même augmentés, puisque 30 .millions destinés à l'accompagnement des emplois d'avenir iront vers les missions locales. Les maisons de l'emploi, enfin, dont les crédits avaient diminué, quoiqu'elles fussent de création assez récente, bénéficient d'une reconduction de leurs crédits. L'accompagnement financier des demandeurs d'emploi en formation est l'objet d'une participation volontaire du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Les allocations de solidarité sont également financées à hauteur de 834 millions d'euros.
Ce budget renforce le soutien à des publics spécifiques qu'il s'agit d'aider à entrer dans l'emploi. Les mesures en faveur des personnes handicapées sont significativement développées, avec des crédits de 337 millions d'euros - en hausse de 9 % - pour les aides aux postes dans les entreprises adaptées, ce qui permettra de créer mille places supplémentaires. Cet engagement avait été pris au cours de la conférence nationale du handicap de juin 2011, et sera tenu sur plusieurs années. Les crédits pour l'insertion par l'activité économique (IAE) sont reconduits à 197 millions d'euros et l'Assemblée nationale les a augmentés de 10 millions d'euros, créant ainsi ce que j'ai appelé une provision pour réforme à venir : il faut simplifier les dispositifs d'insertion par l'activité économique, et une mission conjointe de l'Igas et de l'IGF est lancée pour faire le point - pour simplifier et rendre plus efficace, non pour diminuer, comme en témoigne cette provision. Nous avons préservé les sommes nécessaires pour que le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) continue à soutenir 135 000 jeunes. Un nouveau marché public va être mis en oeuvre pour assurer le volet pédagogique des formations professionnelles à destination des publics spécifiques (détenus, ultra-marins, Français de l'étranger), en attendant de voir ce qu'ils deviendront par la suite dans le cadre de la décentralisation. Les crédits pour les écoles de la deuxième chance sont également conservés. Et le fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) est renforcé par un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Ce budget vise aussi à anticiper et à accompagner les restructurations industrielles et les mutations économiques, dans le but de prévenir les licenciements, en développant l'activité partielle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la formation : c'est là que les conséquences de la négociation sur la sécurisation de l'emploi rendront sans doute nécessaires des évolutions du budget en cours d'année. Ce sont 60 millions d'euros de crédits budgétaires qui sont mobilisés pour financer les accords de GPEC déjà signés, ou qui le seront l'an prochain, chiffre que l'Assemblée nationale a augmenté de 15 millions prélevés sur d'autres actions de mon ministère. Nous avons prévu 70 millions de crédits budgétaires pour l'activité partielle : c'est la dépense constatée en 2011, nous verrons si c'est le bon niveau. La dotation globale de restructuration est également reconduite, ainsi que les conventions de formation et d'adaptation du FNE et les cellules d'appui à la sécurisation professionnelle. Pour l'accompagnement social des restructurations, l'allocation temporaire dégressive est reconduite au niveau de 11 millions d'euros. Nous pérennisons le contrat de sécurisation professionnelle, pour un coût prévisionnel de 70 millions d'euros.
Ce budget finance l'adaptation des qualifications, la reconnaissance des compétences, la formation professionnelle et l'alternance. M. Repentin développera ce point.
Notons aussi les actions en faveur du développement de l'emploi : l'Etat compense à la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales spécifiques en fonction du territoire ou du secteur d'activité. Nous finançons aussi la création ou la reprise d'entreprises, avec des dispositifs comme le Nacre, qui est utile, le fonds de cohésion sociale, l'exonération liée au régime des micro-entreprises. Les conventions pour la promotion de l'emploi ou les dispositifs locaux d'accompagnement développent d'autres formes d'emploi.
Quelques mots enfin des moyens de la politique du travail : santé et sécurité au travail, qualité et effectivité du droit, dialogue social et démocratie sociale sont des sujets très importants pour nous. Le deuxième plan « santé au travail » sera donc financé par une augmentation sensible des crédits de paiement inscrits sur la ligne « recherche et exploitation des études », et la fixation à 9 millions d'euros de la subvention à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Des crédits de 10,6 millions d'euros sont aussi prévus pour la préparation des élections prudhommales, 7,2 millions pour la formation des conseillers prudhommes et 24 millions pour la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales.
Ce budget, enfin, participe à l'effort de réduction des déficits. Le schéma d'emplois du ministère intègre 141 suppressions de postes - c'est moins que ce qui se faisait auparavant, mais c'est notre participation à la création de postes dans les secteurs prioritaires : éducation, justice et police. Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de 3,7 % grâce à des efforts sur les dépenses de fonctionnement courant, de gestion et d'entretien du parc, d'infrastructure et de réseau. Par ailleurs, l'alignement du dispositif d'auto-entrepreneur sur celui d'entrepreneur individuel a pour effet de réduire la compensation à la sécurité sociale de 130 millions d'euros.
M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. - Pour développer l'adaptation des qualifications, la reconnaissance des compétences, la formation professionnelle et l'alternance, l'Etat dispose de plusieurs outils.
La compensation des exonérations de charges au bénéfice des entreprises qui accueillent dans leurs effectifs des apprentis coûte 1,234 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent une quinzaine de millions d'euros pour les contrats de professionnalisation, ciblés sur les demandeurs d'emploi de plus de quarante-cinq ans.
La dotation globale de décentralisation compense aux régions le coût financier des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d'apprentissage : elle s'élève à 1,702 milliard d'euros. Une partie de cette somme provient du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA) créé en 2011 pour rendre plus lisible le dispositif global concernant l'alternance. Pour 825 millions de dépenses, il est doté pour 2013 de 688 millions d'euros de recettes, auxquelles s'ajoutent 160 millions d'euros d'excédent constaté. Ces recettes proviennent de la taxe d'apprentissage et du malus payé par les entreprises de plus de 250 salariés, qui sont soumises à une contribution supplémentaire dès lors qu'elles n'ont pas au moins 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. Les dépenses sont réparties entre trois programmes : 450 millions d'euros pour la péréquation entre les régions et la compensation au titre du transfert du versement d'indemnités compensatrices forfaitaires, 360 millions d'euros pour les contrats d'objectifs et de moyens avec les régions au titre de la contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage, et 15 millions d'euros pour l'incitation financière en direction des entreprises respectant les quotas en alternance. Le regroupement des moyens affectés au développement de l'apprentissage sur le compte d'affectation spéciale FNDMA leur donne une meilleure lisibilité. Leur montant global a été préservé, ce dont on ne peut que se féliciter.
L'Etat pourvoit aussi au financement de ce qu'on appelle les « savoirs de base », ou « accès aux compétences-clef » à hauteur de 55 millions d'euros. L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) va prévoir de nouveau 87 millions d'euros en 2013 pour un accompagnement en ce domaine. Ces actions ne seront plus financées par un prélèvement sur le FPSPP mais par le budget de l'Etat. La validation des acquis de l'expérience fait l'objet de crédits d'un montant de 6,77 millions d'euros et la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle est prévue à hauteur de 185 millions d'euros.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Nous aimerions être éclairés sur les perspectives qui sont les vôtres au sujet de l'allocation équivalent retraite (AER). Des demandeurs d'emploi âgés, qui pensaient percevoir cette allocation à l'arrivée à expiration de leurs droits à l'assurance chômage, se retrouvent aujourd'hui titulaires de minima sociaux du fait de la suppression de l'AER.
Le contrat de génération fera sans doute l'objet d'un collectif budgétaire en début d'année, mais avez-vous déjà une idée de son coût annuel ?
Concernant l'Afpa, son président nous a indiqué que les besoins de recapitalisation s'élevaient à 200 ou 300 millions d'euros et que la cessation de paiement menaçait dès janvier 2013. Nous connaissons votre engagement en faveur de l'Afpa. Ses difficultés actuelles résultent du fait qu'elle a été plongée brutalement et sans préparation dans la concurrence. Peut-être faudrait-il veiller à aménager les conditions de cette concurrence en définissant un service d'intérêt économique général (SIEG) pour rétablir la situation ?
Enfin, l'objectif de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat est ambitieux. La dégradation de la conjoncture sera-t-elle un obstacle à sa réalisation ? Quels moyens nécessite-t-il ?
M. Michel Sapin, ministre. - Je commence par le sujet le plus délicat et le plus douloureux dont nous ayons débattu à l'Assemblée nationale : l'AER. Pour ceux qui croyaient pouvoir en bénéficier et qui ont été soudain frustrés de cette espérance, la situation est très pénible, à la fois pour eux-mêmes bien sûr mais aussi pour l'Etat qui ne joue pas un beau rôle dans cette affaire. Mais rétablir le dispositif coûterait 800 millions d'euros, c'est-à-dire que cela se ferait au détriment d'autres actions. Peut-on en rétablir au moins une partie ? A 1 000 euros par mois et par personne, les chiffres sont vite considérables, et en agissant pour certains seulement, on exacerberait le sentiment d'injustice chez les autres. La position du Gouvernement, qui a été acceptée par les partenaires sociaux, est que cette question devra être abordée au cours du premier semestre de l'année prochaine dans le cadre de l'état des lieux sur le financement des régimes de sécurité sociale et sur les premières propositions pour maintenir un mécanisme de financement solidaire des régimes de retraite. Cela dit, le dispositif de départ à soixante ans, qui a fait l'objet d'un décret en juillet applicable à compter du 1er novembre, permettra de régler une partie du problème, puisque, parmi les quelque 100 000 personnes qu'il concerne, certaines auraient pu toucher l'AER. Par ailleurs, j'ai donné instruction aux préfets de veiller à ce que la mise en place des emplois d'avenir permette de consacrer un plus grand nombre de contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) à des chômeurs âgés. Ces deux facteurs devraient faire baisser un peu le nombre de ces personnes en grande détresse, sans, hélas, le ramener à zéro.
S'agissant du contrat de génération, à quelle vitesse va-t-il monter en puissance ? Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, il ne coûtera rien, et j'espère qu'il ne rapportera rien : cela voudrait dire qu'elles ne le mettent pas en place et sont sanctionnées. Entre cinquante et trois cents salariés, un accord doit être recherché, en l'absence duquel un plan unilatéral de l'entreprise doit être présenté. Cela demandera un peu de temps, quelques mois sans doute. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés en revanche, l'application sera immédiate, ce qui peut créer un effet d'entraînement assez considérable. Nous souhaitons une montée en puissance rapide, et nous évaluons le coût pour l'année prochaine à 150 ou 200 millions d'euros, et pour une année pleine, à 800 millions ou 1 milliard, qu'il faudra prendre en compte dans le pacte de compétitivité présenté par le Premier ministre. Les crédits seront affectés à Pôle emploi, qui a l'habitude de ce type de dispositif et fera les versements. C'est donc Pôle emploi qui en assurera la trésorerie en début d'année.
M. Georges Labazée. - Combien de contrats prévoyez-vous en tout, compte tenu de la situation économique?
M. Michel Sapin, ministre. - Notre objectif est d'arriver à 500 000 contrats, dont peut-être 100 000 ou 150 000 mille la première année. Cela concernera donc un million de personnes en tout. Cette aide doit durer trois ans.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Dès ma première réunion de travail avec Michel Sapin nous avons évoqué le dossier de l'Afpa. La formation professionnelle est en effet une partie importante de la politique de l'emploi et l'Afpa est un des acteurs majeurs pour la formation des demandeurs d'emploi. Nous avons apporté à l'Afpa une subvention de 20 millions d'euros cet été et, en votant le texte sur les emplois d'avenir, vous nous avez permis de lui allouer 20 millions d'euros supplémentaires pour les prestations que l'Etat lui avait demandées mais qu'on ne pouvait lui payer faute de support législatif. Au-delà de ces 40 millions d'euros, le nouveau président, Yves Barou, a pour mission de préparer un plan de refondation sur la période 2013-2016, qui se déploiera sur trois axes : redresser les finances de cette association, qui n'est pas, je le rappelle, une agence de l'Etat, développer son activité en retissant du lien avec les donneurs d'ordres et transformer son modèle pédagogique. Dans ce cadre, l'Etat est sollicité sur trois plans. D'abord, contribuer à la recapitalisation, qui est en réalité une capitalisation puisque l'Afpa n'a pas de fonds propres, afin de redonner à l'Afpa la capacité d'emprunter et d'investir pour son avenir, notamment à travers la souscription de titres associatifs. L'ordre de grandeur de 200 millions d'euros, que vous avez évoqué, me semble réaliste et nous devrons préciser ce montant début 2013. Ensuite, faire évoluer le statut de son patrimoine : il n'appartient pas à l'Afpa, ce qui ne facilite pas sa modernisation ni son adaptation aux besoins de l'activité. Maintenir, enfin, le niveau des subventions qui étaient apportées à l'Afpa à 87 millions d'euros : c'est un signe de confiance que nous lui donnons. Nous réfléchissons aussi à l'émergence d'un service d'intérêt économique général au bénéfice des publics les plus éloignés de l'emploi : cette solution, compatible avec le droit européen, pourrait trouver sa place dans le texte nouveau sur la décentralisation qui sera présenté au Parlement en 2013. Quoi qu'il en soit, l'Etat a la ferme volonté de maintenir cet outil : dites-le autour de vous, afin d'apaiser l'inquiétude - légitime - qu'ont pu ressentir les quelque 9 300 salariés de l'Afpa.
Vous avez raison d'évoquer l'importance de la conjoncture économique à propos de l'objectif de 500 000 apprentis : le développement de l'apprentissage est corrélé avec l'activité économique. En période difficile, les chefs d'entreprise ont moins d'appétit pour accueillir des apprentis. Mais nous avons l'objectif, volontariste, de voir progresser le nombre d'apprentis de 420 000 à 500 000 d'ici la fin du quinquennat : il nous faut donc une progression annuelle de 3 %. Nous avons adressé un courrier conjoint aux chambres consulaires, leur annonçant que nous prendrions en charge les développeurs de l'apprentissage. Ils ont pour mission de démarcher les entreprises n'ayant pas d'apprentis pour leur faire connaître les dispositifs d'allègements de charges et leur faire comprendre l'intérêt qu'elles auraient à en recruter. Nous présenterons en 2013 un plan de développement, dont le Parlement aura à connaître, sur l'ajustement des dispositifs d'allègement de charges, tout en sollicitant certaines branches professionnelles qui sont en retard dans le développement de l'apprentissage, mais aussi les collectivités territoriales qui sont, elles, très en retard : elles emploient moins de 8 000 des quelque 400 000 apprentis que compte la France !
Il existe des freins à l'embauche de jeunes dans les collectivités territoriales, mais certaines d'entres elles recrutent des apprentis. J'étais hier à Libourne, une ville moyenne, qui en accueille une vingtaine. Au-delà de l'adoption de mesures fiscales et budgétaires, des engagements sont à passer avec les présidents de région pour donner leur chance à des jeunes qui ne trouvent pas d'employeurs alors qu'ils ont une place dans un centre de formation des apprentis (CFA).
Mme Gisèle Printz. - Quel sort faites-vous précisément aux auto-entrepreneurs dans ce budget ? Souvent, il s'agit de jeunes qui débutent dans la vie professionnelle.
Mme Christiane Demontès. - La formation tout au long de la vie bénéficie surtout aux diplômés. Que faire pour les autres, ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi ? Le Gouvernement a créé les emplois d'avenir, que je lance dans ma commune. Comment individualiser le plus possible leur volet formation, en particulier, sur les pré-requis ? Quelle compatibilité avec les marchés publics ? C'est la condition de la réussite des emplois d'avenir mais aussi de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels. Tout le problème est de susciter l'appétence de ceux qui gardent un mauvais souvenir de leur scolarité. Où en est la réflexion sur ce sujet ?
Mme Catherine Procaccia. - Monsieur Sapin, vous avez évoqué, concernant l'aide aux publics spécifiques, des dispositifs multiples et complexes, notamment 1 000 postes adaptés pour les personnes handicapées. Avez-vous l'intention de mettre un peu d'ordre dans des contrats qui ont eu leur logique mais qui, pour certains, n'en ont peut-être plus ? Cela simplifierait les choses, à la fois pour les personnes concernées et pour les entreprises.
A une époque, il a été question de réforme des élections prud'homales. Quels sont vos objectifs ?
Les contrats de génération, avez-vous dit, seront financés ultérieurement, sans doute par un projet de loi de finances rectificative. Et pour les emplois d'avenir ? En cas de succès, et je note votre prudence, vous avez évoqué des choix financiers. Pouvez-vous en dire plus ? Dans le même ordre d'idées, le financement des maisons de l'emploi s'arrêtera-t-il à la liste des maisons agréées il y a deux ou trois ans ou évoluera-t-il ?
Je veux dire ma satisfaction devant vos projets importants pour l'apprentissage. Nous voulons tous ici soutenir ce type d'emploi et de mise sur le marché du travail. Pour autant, les entreprises, de plus en plus sollicitées, peinent à dégager du temps pour former les apprentis. Qu'en est-il de la carte nationale d'apprenti, évoquée par Laurent Wauquiez, et dont on a reparlé au Sénat lors des dernières journées de l'apprentissage ? Enfin, une question récurrente depuis plusieurs années, le transport et l'hébergement de ces jeunes qui doivent faire la navette entre leur lieu de travail et leur établissement. Comment avancer ?
M. René-Paul Savary. - Le président Hollande s'est engagé à infléchir d'ici un an la courbe du chômage...
M. Michel Sapin, ministre. - Non, à l'inverser ! C'est mieux qu'avant : l'ancien Président, lui, parlait de baisse de la hausse tendancielle du chômage...
M. René-Paul Savary. - Je vous souhaite de réussir ! Vous le devriez avec vos 100 000 emplois d'avenir, 100 000 contrats de génération, 4 000 agents de plus à Pôle emploi, 60 000 postes dans l'éducation nationale sans parler du reste. Mais n'y-a-t-il pas une contradiction à constater l'importance du déficit et à proposer des mesures qui accroissent la dépense publique ?
Les contrats aidés ? Le contrat de génération, parce qu'il est davantage tourné vers le secteur marchand, est plus prometteur que les autres. Le problème, nous le savons, est la sortie de ces contrats, surtout en période de crise. Les gens se retrouvent sur le carreau, à la case départ, ce qui les déçoit terriblement.
La contrainte budgétaire vient souvent contredire la volonté d'insertion que portent les départements. Pour un conseil général, cela vaut le coup de miser sur les contrats aidés pour les plus de vingt-cinq ans car cela signifie autant de gens au RSA en moins. Un mécanisme qui ne jouera pas pour les emplois d'avenir qui s'adressent aux 16-25 ans.
L'accueil d'apprentis, c'est exact, n'est pas une habitude des collectivités territoriales. C'est un peu antinomique, d'ailleurs, de leur demander cet effort quand beaucoup d'entre elles sont, par la force des choses, engagées dans une stratégie difficile de réduction du personnel en période de crise. Quelle que soit notre volonté de lutter pour l'emploi nous nous heurtons à une contrainte budgétaire.
M. Jacky Le Menn, président. - Ce budget pour l'emploi dans une conjoncture économique difficile marque la volonté forte du Gouvernement de lutter contre le chômage, on ne peut que s'en féliciter. Nous devons tous donner priorité à l'emploi, Etat et collectivités territoriales.
Je salue la consolidation du service public de l'emploi après la fusion difficile de l'ANPE et des Assedic. Grâce aux 4 000 postes supplémentaires, le portefeuille des agents diminuera-t-il ? D'après nos contacts sur le terrain, ces derniers, qui sont eux-mêmes en emploi précaire...
M. Michel Sapin, ministre. - Nous créons des CDI !
M. Jacky Le Menn, président. - Très bien ! Ces agents, donc, n'ont pas le temps de rechercher des emplois auprès des entreprises - en particulier de convaincre les plus petites, là où sont les gisements d'emplois les plus importants - et d'accompagner correctement les personnes les plus éloignées de l'emploi. Pouvez-vous me rassurer ? Ne vend-on pas de l'illusion à nos concitoyens ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Madame Procaccia, le plan de développement de l'apprentissage de 2013, dont je vous ai parlé, intègre un volet « qualité » qu'on a trop souvent négligé par le passé. Concernant l'hébergement, les investissements d'avenir pourraient financer des projets de construction au bénéfice des apprentis. Des collectivités territoriales ont déjà déposé des projets. J'ajoute qu'une petite ligne budgétaire a été votée à l'Assemblée nationale pour l'accompagnement des apprentis les plus en difficulté.
Madame Demontès, l'intérêt des emplois d'avenir réside dans la formation qui l'accompagne pour des jeunes qui n'en ont précisément pas, une formation qui est obligatoire. Pour eux, il faut un plan de formation spécifique et individualisé. Parce que l'Etat ne peut pas y parvenir seul, nous avons noué des partenariats avec les régions afin qu'elles revoient leur offre de formation pour les 16-25 ans, avec les organismes paritaires collecteurs agréés qui dédieront une partie de leurs recettes à l'accompagnement individualisé de ces jeunes et avec le FPSPP qui travaillera sur l'acquisition des compétences socles et la lutte contre l'illettrisme, un fléau plus répandu qu'on ne le croit. Grâce à la mise en place d'un service d'intérêt économique général de la formation avec un agrément délivré pour plusieurs années, nous aurons des interventions plus fines sur la pédagogie. L'accès rapide à la formation professionnelle sera un des critères de l'agrément.
Voilà l'ensemble des moyens que nous aurons à mettre en musique l'an prochain, j'espère le soutien du Parlement !
M. Michel Sapin, ministre. - Madame Printz, nous touchons à un tout petit avantage des auto-entrepreneurs en alignant leur taux de cotisation sur celui des autres travailleurs indépendants. L'essentiel demeure, c'est-à-dire l'allègement des formalités déclaratives et le principe du « zéro chiffre d'affaires, zéro charges ». J'ajoute que ma collègue Sylvie Pinel est chargée d'étudier les améliorations que nous pourrions apporter à ce régime.
Madame Procaccia, 1 000 postes seront créés dans les entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap dans les trois prochaines années, soit 3 000 postes supplémentaires. Vous avez parlé de complexité : elle est surtout palpable dans le secteur de l'IAE car chaque filière a son propre mécanisme d'aide. Une étude est en cours pour parvenir à une simplification qui n'a pas pour but, je le précise, de faire des économies. Cela dit, votre question portait plus largement sur les contrats aidés. Nous verrons s'il faut procéder éventuellement à des fusions après la montée en puissance des emplois d'avenir et des contrats de génération. S'agissant des élections prud'homales, le Gouvernement s'en tient pour l'heure au calendrier prévu, la preuve en est l'inscription des crédits au budget. Des évolutions ultérieures ne sont pas à exclure.
Le financement des emplois d'avenir s'il y a une montée en charge plus rapide que prévu ? Nous réglerons la question en gestion ce qui, en langage budgétaire, signifie que nous procéderons par ajustement au vu de la réalisation dans une loi de finances rectificative. Nous avons employé cette méthode pour financer les contrats aidés supplémentaires décidés en cours d'année. Cette approche vaut pour des montants inférieurs à 100 millions d'euros ; au-delà, il faudrait prendre des mesures complémentaires d'économies ou de recettes.
Les crédits des maisons de l'emploi sont maintenus. Comment mieux les répartir ? On a tendance, vous le savez, à reconduire les crédits de l'année antérieure, de sorte que des disparités considérables persistent entre les maisons, qu'il faudrait réduire.
Monsieur Savary, les emplois d'avenir ont un intérêt pour les départements. L'intervention des collectivités aura un effet d'entraînement car elles connaissent associations et établissements sociaux sur leur territoire. Les emplois d'avenir ne représentent pas des dépenses supplémentaires s'ils s'inscrivent dans une logique de gestion prévisionnelle des emplois. Je m'explique : si le départ en retraite d'un agent est prévu, pourquoi ne pas former un jeune, qui n'en a pas actuellement les compétences, pour le remplacer ? Voilà une manière intelligente de renforcer les effectifs et de former les jeunes. Il ne s'agit pas de demander aux collectivités territoriales à la fois de dépenser plus et de serrer les boulons...
Monsieur Le Menn, votre question sur Pôle emploi est la bonne : 2 000 postes créés, c'est mieux que les 1 800 supprimés par l'ancien gouvernement en période de hausse du chômage. A ces créations de postes, il faut ajouter les 2 000 que Pôle emploi s'est engagé à redéployer vers l'accueil des chômeurs. Déjà, des améliorations sont sensibles. Surtout, Pôle emploi s'est engagé dans une réforme importante : passer d'un système standardisé d'accueil au sur-mesure. Le jeune débrouillard, qui sait parfaitement utiliser internet, n'a pas besoin de rencontrer fréquemment un conseiller; un échange de courriers électroniques suffit peut-être. En revanche, les personnes les plus éloignées de l'emploi ont besoin d'un contact humain avec leur conseiller, à échéances rapprochées. Cette réforme oblige à modifier les affectations et les compétences. Les personnels réclament des moyens supplémentaires, mais apportent leur soutien à cette personnalisation de l'accueil.
Pour finir, monsieur Savary, personne n'a jamais dit, et surtout pas moi, que les politiques publiques de l'emploi suffiraient à régler la question du chômage. Les contrats aidés, les emplois d'avenir, les contrats de génération, la politique de suivi et de formation viennent en complément des mesures sur la compétitivité, l'équilibre des comptes publics, la réorientation du projet européen vers la croissance. Les entreprises doivent redevenir créatrices d'emploi, c'est l'objectif. Avec cette politique économique, et vous examinerez les dernières décisions plus rapidement que vous ne le pensez, nous créons les conditions pour atteindre cet objectif mobilisateur qu'est l'inversion de la courbe du chômage.
M. Jacky Le Menn, président. - Merci de votre disponibilité.
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